dimanche 25 février 2007

La défense et la sécurité

Mon ami, je suis sûr que, comme beaucoup de Français qui n’ont accès qu’à la presse officielle (TF1, Le Monde, Libération, Le Figaro), vous pensez que M. Sarkozy a renforcé l’action de la police. Pourtant, les syndicats policiers « de droite » se disent inquiets de sa présence à la tête de leur institution, et craignent que s’il y reste, ils finissent par déplorer un mort dans leurs rangs.
N’oubliez pas qu’en novembre 2005, pendant les émeutes, il a veillé personnellement à ce que des policiers qui cherchaient à arrêter un jeune délinquant, soient mis en prison parce qu’ils s’étaient emparés de lui trop vigoureusement. Jamais l’Inspection des services n’a autant entravé l’action policière que depuis que votre candidat est aux affaires. Il demande aux commissariats des résultats chiffrés. Les policiers se sentent alors obligés d’interpréter leurs indicateurs pour prouver que la délinquance baisse. Dormez tranquille, bon peuple, M. Sarkozy veille.
Encore une fois, il refuse de s’attaquer aux problèmes réels de la sécurité. En décrétant, par idéologie, que l’islam n’est pas un problème en France et en mettant tout en œuvre pour le renforcer, il cherche à faire coller la réalité avec cette opinion. La seule solution est alors de cacher la vérité. Mais vous, mon ami, qui voyez le monde réel de vos yeux et non pas par le filtre des indicateurs chiffrés du ministère de l’Intérieur, pensez-vous réellement que la délinquance est sous contrôle ? Iriez-vous vous aventurer dans les quartiers sensibles, que votre ministre ne visite qu’avec une armée de gardes du corps et de caméras de télévisions ?
M. Sarkozy ne souhaite pas vraiment mettre de l’ordre en France. Il souhaite que ceux qui veulent de l’ordre votent pour lui, tout en entravant l’action de la police. Idéalisation du criminel, car victime lui-même de la société… Est-ce une politique de droite ?
En matière de défense, là encore, croyez bien que si M. Sarkozy s’installait à l’Elysée, la France en serait gravement affectée.
A la sortie de la guerre froide, le monde est devenu beaucoup plus instable qu’il ne l’avait jamais été. En effet, pendant cette période de stabilisation imposée, la technologie a créé des armes de plus en plus performantes, le nombre d’Etats reconnus s’est accru, les groupes mafieux ou terroristes ont acquis des moyens de communications dont ne pouvaient pas même rêver les superpuissances vingt ans plus tôt, la mondialisation a accentué la mise en relation de civilisations en oppositions ancestrales, de nombreux groupes vaguement constitués se sont trouvés livrés à eux-mêmes, certains pour la première fois de toute leur histoire. Le résultat est que les conflits armés n’ont jamais été aussi nombreux depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
Le problème de la survie des intérêts vitaux de la France, rôle dévolu à la Défense nationale selon la constitution comme dans l’entendement classique, est devenu particulièrement prégnant. C’est sur le sol même de sa métropole que la France paraît maintenant concurrencée, non pas par l’occupation d’un Etat qui veut remplacer le nôtre dans l’administration de ses citoyens (comme dans les guerres qui nous ont opposé à l’Allemagne depuis 1870), mais par une civilisation qui concurrence la nôtre sur son territoire ancestral.
Etre militaire, au début du XXIe siècle, paraît être un métier d’avenir ! La réduction du budget de la défense devrait paraître pour le moins incongru, à moins de la souhaiter coûte que coûte pour des raisons idéologiques.
C’est pourtant le désir de M. Sarkozy. Pour des raisons qui étaient sans doute liées à des rivalités de clans, il n’a cessé, depuis 2002, à s’opposer à Mme Alliot-Marie, en relativisant ses besoins, que ce soit depuis Bercy, où il tenait les cordons de la bourse, comme depuis la place Beauvau, où il a cherché à discréditer la priorité à accorder aux forces armées par rapport aux forces de sécurité.
Pourtant, la diminution des moyens de la Défense est un thème de gauche. Même si les révolutionnaires de tous pays ont fait passer par les armes des millions d’opposants, ils prônent tous la philosophie du pacifisme, qui consiste à considérer qu’il vaut mieux se laisser envahir que de risquer un conflit armé. Les gouvernements de gauche ont toujours renforcé les moyens militaires au moment où leur régime était attaqué militairement : pensez à Robespierre, Clemenceau, Staline. Mais ils refusent l’idée de moyens militaires en temps de paix, refusant finalement de se prémunir des menaces à venir, dans la lignée de leur ambition sociale qui consiste à dépenser tout de suite les richesses disponibles sans économiser en prévision des disettes futures.
Finalement, il refuse de croire au danger, un peu comme si le fait de le nier devait finir par le faire disparaître : « L’énergie qui subsiste dans notre société est utilisée non pour progresser, mais pour se protéger. Se protéger de tout et de tous semble être devenu le dernier recours de trop de nos compatriotes. »*
Cette déclaration est bien un credo matérialiste, contraire à l’organisation de la société traditionnelle. A l’origine du lien social de notre civilisation occidentale, le seigneur avait le devoir de protéger ses paysans et artisans, qui produisaient les richesses matérielles. C’était sa raison d’être. Cela devait être aussi la raison d’être de l’Etat moderne. Encore faut-il reconnaître les ennemis. Je crois, mon ami, que votre candidat comprend mal à propos la fameuse phrase de Jean-Paul II : « N’ayez pas peur ». Le Saint-Père ne voulait pas dire qu’il n’y a pas d’ennemis sur Terre, que tout le monde est gentil, qu’il suffit que chacun baisse la garde pour que la paix s’installe enfin ici-bas ! Sinon, il aurait laissé les communistes de Pologne continuer à massacrer son peuple. Il voulait plutôt dire : « Soyez courageux, sachez défendre les vôtres si c’est votre devoir, restez vous-mêmes contre ceux qui veulent faire de vous autre chose, fut-ce au péril de votre vie. » Ce « N’ayez pas peur » est un cri de droite. La position de M. Sarkozy est de gauche.
Ses relations avec la Défense, en tant qu’institution, ont d’ailleurs toujours été houleuses. Il le rapporte dans son livre*, où il explique que le budget du ministère de la Défense est exécuté comme une boîte noire, sans compte-rendu à Bercy. Quel étonnement, quand on considère que ce ministère est, traditionnellement, considéré par les fonctionnaires des finances comme le bon élève de la fonction publique, appliquant systématiquement tous les règlements avec la transparence la plus grande ! Il précise en outre que les questions de Défense devraient être débattues au sein du Parlement. Même si certaines décisions stratégiques sont prises en Conseil de défense restreint, comment un ministre d’Etat pourrait-il ignorer que l’Assemblée nationale dispose d’une commission de Défense, qui interroge de nombreux responsables en préparation du vote du budget ? Mauvaise foi ou attaque instinctive contre une institution envers laquelle votre candidat semble avoir une opposition naturelle ? La Défense ne produit rien de concret : il faut donc la sacrifier au nom du productivisme et de l’économie ! Ce fut la position de Lénine, pendant quelques mois. Car c’est toujours la position de la gauche tant qu’elle n’a pas besoin de militaires pour étendre son idéologie prétendument pacifiste. Même Mlle Royale, issue d’une famille de militaires, a sur ce point des réflexes bien plus à droite que M. Sarkozy.
Finalement, la conception de votre candidat en matière de défense est un peu celles de Robespierre : un Etat doit se passer de force armée, sauf s’il s’agit d’étendre le modèle philosophique des Lumières au monde entier. C’est sans doute en ce sens qu’il refusera « l’engagement de nos forces militaires lorsque les conditions démocratiques ne sont pas remplies. »* Quelle vision réductrice de la définition des « intérêts vitaux de la France », au mépris de toute tradition géopolitique !
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